ALWIS: la naissance d’un réseau international pour les femmes algériennes en sciences exactes – Interview du Dr Anissa Belfetmi, Fondatrice d’Algerian Woman in Science, Chercheure Postdoctorale à la Harvard Medical School

Interview publiée le 10 Octobre 2020

Centre Algérien de Diplomatie Economique : Bonjour Anissa, Pourriez-vous vous présenter auprès de nos lecteurs ?

Anissa Belfetmi : Bonjour Anis, je suis actuellement chercheure postdoctorale en Biologie, à l’Université d’Harvard Medical School. Je suis née, en Algérie, pays que j’ai quitté après ma licence en Biochimie. Après quoi, je me suis rendue, en France, pour poursuivre un Master en Biologie Moléculaire et cellulaire à l’Université Pierre et Marie Curie (Sorbonne Paris VI) et par la suite j’ai effectué mon doctorat sur le virus du VIH-1 à l’ENS Paris-Saclay. Je me suis surtout spécialisée dans l’utilisation des techniques de biophysique pour mieux comprendre les biomolécules et leurs implications dans les maladies.
Je suis également membre du Club de Boston du Centre Algérien de Diplomatie Économique.

CADE : Vous avez créé un réseau de chercheures algériennes à travers le monde : Algerian Women in Science, pourriez-vous nous dire de quoi s’agit-il exactement et quels sont ses objectifs ?

Anissa Belfetmi : Aux États-Unis, j’ai découvert des associations pour les femmes en sciences exactes qui proposent des activités dédiées à améliorer la condition des femmes dans le milieu professionnel scientifique (inégalités salariales, une meilleure représentation, …etc). A ce moment, j’ai réalisé qu’il serait intéressant d’avoir des associations similaires mais adaptées à la situation des algériennes car on a des barrières différentes. J’en ai donc parlé à quelques amies scientifiques et elles ont trouvé l’idée intéressante. On était toutes d’accord que le mentorat manque beaucoup en Algérie et qu’on été assez isolées dans nos parcours. Algerian Women in Science ou ALWIS est donc un groupe d’amies et d’anciennes collègues qui s’est formé autour de l’idée de créer un réseau en ligne de femmes algérienne de formation en sciences exactes. Le but c’est de s’entraider et de créer un réseau de femme algériennes en STEM (Science Technology Engineering and Mathematics). Le fait d’être en ligne facilite les échanges, et rend le service plus accessible à toutes les algériennes peu importe leur location géographique. Cela aussi créer un terrain pour des échanges intellectuelle et permettra à de futures collaborations de se tisser.

CADE : Les femmes scientifiques Algériennes sont nombreuses à fréquenter les plus grandes universités et centres de recherches internationaux, comment comptez-vous attirer le maximum d’entre elles à votre initiative ?

Anissa Belfetmi : On est assez dispersées de par notre présence dans différentes régions du globe. Dans un premier temps, on a contacté les personnes rencontrées au cours de nos parcours universitaires et/ou professionnels. Par la suite, on a commencé à chercher des profils en ligne par le biais des réseaux sociaux numériques tels que LinkedIn, Instagram et Twitter. A présent nous ciblons des pages et des comptes dédiés au monde universitaire au travers duquel nous oeuvrons à nous faire connaitre. Nous nous activons en outre à créer des liens avec des partenaires actifs, en Algérie, qui ont la possibilité de nous apporter à la fois une visibilité (en Algérie) et de l’information pertinente sur l’évolution du paysage scientifique algérien.

CADE : L’Algérie est un pays qui souhaite se développer, la diaspora est un incontournable pour cette démarche, comment voyez-vous des potentiels partenariats avec les différents acteurs locaux (en Algérie) ?

Anissa Belfetmi : Notre focus est mis sur le mentorat en ligne pour celles qui souhaitent poursuivre des carrières académiques ou industrielles. Un exemple de support pour le développement professionnel est l’amélioration des CV et lettres de motivation, la relecture de manuscrits ou applications ainsi qu’une préparation aux entretiens. Le fait d’être dispersées géographiquement n’est pas limitant, cela grâce aux divers outils de communication en ligne. Notre but est d’établir des liens avec des universités, associations et partenaires industriels, en Algérie, pour identifier les besoins des femmes algériennes et d’adapter notre programme au plus près de ces besoins. Le but c’est de créer un environnement propice à l’émergence des talents et de leur permettre de s’épanouir, ce qui est important pour le développement du pays.

CADE : Et comment souhaiteriez-vous que l’Algérie s’implique dans ce projet ?

Anissa Belfetmi : Nous souhaitons avant tout apporter notre retour d’expérience dans le but de guider les jeunes algériennes et leur montrer les débouchés potentiels au sein du monde scientifique. Il est nécessaire que les institutions locales se rendent compte de l’importance du mentorat et de l’accompagnement des étudiants (hommes ou femmes). Dans un premier temps, nous souhaitons apporter notre aide à distance via des sessions de coaching et de brainstorming, mais il serait également intéressant de nous permettre d’intervenir localement avec l’aide des acteurs issus des domaines universitaire et professionnel dans l’optique de faire évoluer la position de la femme algérienne dans le domaine scientifique.

CADE : Quel constat faites-vous concernant l’implication de la femme dans la recherche scientifique en Algérie ?

Anissa Belfetmi : La recherche académique, en Algérie, est très difficile pour les femmes mais aussi pour les hommes, à cause du manque de ressources et donc une dépendance vis-à-vis des collaborations internationales. Nous pensons que cela dilue la visibilité des scientifiques algériens dans le paysage de la recherche et pousse beaucoup de talents à aller vers l’étranger. Il y a peu d’informations sur la situation des femmes chercheures, en Algérie, ou en tout cas elles sont contradictoires. Certains écrits détaillent une discrimination envers les femmes dans le secteur académique alors que d’autres sont en faveur d’une bonne représentation égalitaire. Une des missions d’ALWIS est de fournir aussi un témoignage indépendant sur certaines questions.

Le manque de parité entre les hommes et les femmes en science exacte est un sujet qui inquiète à l’échelle mondiale. Cela dit, le nombre d’algériennes qui font des études en sciences exactes est beaucoup plus élevé qu’en occident mais les difficultés se trouvent au niveau de l’insertion professionnelle. Ce qui est d’ailleurs autant compliqué pour les femmes que pour les hommes, en Algérie, car le réseau est très important. Mais il faut rajouter que les femmes ont la charge familiale en plus de la charge professionnelle ce qui fait qu’elles doivent concilier entre les deux et s’organiser de manière efficace dans le but de rattraper leurs homologues masculins.

CADE : Au niveau international, quelles sont les domaines (spécialités) scientifiques les plus prisés par les femmes algériennes ?

Anissa Belfetmi : Étant moi-même biologiste, il est peut-être biaisé de dire que c’est la Biologie mais il se trouve que j’ai rencontré beaucoup d’algériennes dans ce domaine-là. Sinon je dirais les mathématiques, l’informatique ainsi que la médecine. Ce qui n’est pas étonnant car cela reflète le marché de l’emploi à l’international et il y a une vraie demande pour ces filières.

A ce jour, notre réseau est composé principalement de personnes émanant du monde de la biologie, car l’ensemble des membres fondateurs sont des biologistes. Cependant, nous commençons à recruter dans les filières des mathématiques, de la physique et des sciences médicales.

CADE : Quels seront les prochaines étapes d’évolution du réseau Algerian Women in Science ?

Anissa Belfetmi : Nous nous préparons à lancer les applications relatives au mentorat en ligne. Le but étant de créer des cercles mentore/mentorée afin d’établir un plan d’attaque individualisé et adapté aux perspectives de carrières des mentorées. Nous sommes constamment à l’affût de nouveaux membres ainsi que de mentores. Et, dans un avenir proche nous souhaitons étendre notre activité vers des projets moins spécifiques et donc plus généralistes, avec des appels d’offre pour des bourses, ainsi que l’organisation d’une conférence annuelle, en Algérie, destinée aux membres de l’association. La création et le développement d’un réseau sont des aspects importants en vue de se soutenir mutuellement et de créer des modèles pour les futures générations. Il est important d’encourager les jeune filles ainsi que les femmes à entreprendre des études en sciences exactes, en leur fournissant un support utile, tel que le mentorat dans l’optique de leur donner les atouts nécessaires à l’atteinte de leurs objectifs de carrière.

Nous sommes joignables sur notre site internet www.algerianwomeninscience.org ou par e-mail à l’adresse suivante :
algerianwomenscientists@gmail.com


Interview réalisée par l’équipe du Centre Algérien de Diplomatie Économique.

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