Le Cameroun entre Francophonie, Commonwealth et les géants USA/Chine – Interview de Steve William Azeumo

Interview réalisée le 20 septembre 2019

Le Centre Algérien de Diplomatie Economique : Bonjour Steve William Azeumo, nous vous remercions d’avoir accepté cet entretien, pour commencer, pourriez-vous vous présenter ?

Steve W. Azeumo : Je suis Steve William Azeumo, Coordonnateur du Programme de Recherche sur les Stratégies de Développement par l‘Intelligence Économique (PRESDIE).

CADE : Quelle est la vocation du PRESDIE ?

Steve W. Azeumo : Le PRESDIE a pour vocation de poser les fondations d’une IE Camerounaise. Grâce aux données qu’il collecte sur le territoire, il met en lumière les particularités qui mettraient le pays en avant de la scène internationale à une position assez confortable tant pour ses indicateurs de développement que pour la population. Dans un souci de contribuer à la réduction voir à l‘éradication de la pauvreté, le but du PRESDIE est de déceler les secteurs d’activités porteurs notamment le secteur primaire (secteur minier de la bauxite et de l‘aluminium et celui de l‘agriculture) et les entreprises PME/PMI innovantes afin de proposer des politiques conduisant le Cameroun à une croissance durable et auto entretenue tout en lui permettant un avantage comparatif sur le plan mondial. Le PRESDIE a encouragé un grand nombre de jeunes à apporter leur contribution à la recherche à travers leurs travaux de fin d’études sur la thématique d’Intelligence Économique et sur ce point nous sommes satisfaits des grandes avancées.

CADE : Le Cameroun est un des rares pays au monde qui fait partie à la fois de la francophonie et du Commonwealth, à votre avis, comment le gouvernement camerounais peut utiliser l’intelligence économique pour faire de ces deux réseaux un atout de développement ?

Steve W. Azeumo : Le Commonwealth et la Francophonie sont des organismes possédant une grande diversité culturelle et la richesse de leurs réseaux constitue une source d’intelligence créative importante pouvant servir non seulement dans la coopération mais aussi dans le développement.

Le Cameroun a donc par son ambivalence culturelle et linguistique cette possibilité d’accès aux clubs privés (lieux de collecte et validation de l’information en connaissance) des deux plus grands pôles de networking mondiales à savoir le Commonwealth et la Francophonie, dont les objectifs sont clairement affichés en faveur de leur membre. En plus la culture anglo-saxonne a une large et longue expérience avec l’IE, qui s’y applique sans cloison aucune entre le secteur privé et le secteur public ; avec une collaboration des plus fructueuses utilisant parfois des mécanismes digne des montages financiers de multinationales,  le cas du financement de plusieurs startups par la Central Intelligence Agency (CIA) en fait état. Cette expérience riche que peuvent capitaliser les experts Camerounais en IE est un bonus dont les fruits s’obtiennent toujours à très court terme pour certains secteurs.

CADE : Nous avons remarqué récemment une intensification de présences chinoise et américaine au Cameroun, pourquoi cet intérêt ?

Steve W. Azeumo : Cet intérêt dans un premier temps entre dans une stratégie de diversification des partenaires investisseurs pour le Cameroun et d’un marché à grand potentiel non seulement pour les matières premières mais aussi pour la consommation des produits manufacturés en ce qui concerne ces deux puissances. Pour les ressources naturelles, le Cameroun, est un espace économique, doté d’un sol et un sous-sol très riches (encore peu exploités) et situé en zone équatoriale, sur une forêt dense dans sa partie Sud et une crête qui s’enfonce dans une zone sahélienne. C’est un condensé de ressources naturelles que l’on retrouve de manière parsemé sur le continent ; avec un marché potentiel estimé à plus de 20 millions de consommateurs (espace CEMAC) et au plan démographique représentant les 50% de la Zone CEMAC.

D’autre parts, la position stratégique de la région camerounaise (latitude 7,3697 et longitude 12,3547) peut faciliter des missions d’opérants internationaux, avec plusieurs options de démobilisation (Maritime, Aérienne, Routière) Et une facilitation de communication avec les pays frontaliers comme d’expansion en zone Est, et Ouest de l’Afrique. Cette position permet à la force stratégique Américaine de se déployer dans la région notamment la zone où il eut il y’a quelques années une énorme découverte de gisement de gaz et pétrole, qui passe pour l’un des plus grands gisements au monde ; Position couvrant une partie du bassin du Congo qui en termes de ressources naturelles regorge de milliers de ressources encore inexploitées.

La chine quant à elle a toujours eu ce désir voir capacité d’expatriation vers des contrées éloignées en cherchant toujours à dompter un espace qui devient au fil du temps un quartier peuplé à grande majorité par elle : « des china towns ». Qui sont de grand centre d’affaires. Notons par ailleurs que cet Etat a beaucoup investit dans l‘agriculture au Cameroun. Sa position dans le bassin du Congo (deuxième plus grand poumons du monde en ressources forestières , situé dans une zone où les terres sont arables et le climat favorable, la chine ne se fait pas prier et s’investit dans l’acquisition de terres agricoles d’où 4,655 ha de terre arable ont été acquis par des compagnies chinoise pour des plantations d’hévéa et de riz , Une étude confirmant ces données avait été publié par le China Africa Research Ininitative (CARI) montrant le grand écart de cession de terre qu’il y’a entre le Cameroun et les autres états Africain, le Cameroun remportant la palme d’or avec 5 fois plus de terre cédé que le deuxième pays.

CADE : Selon votre analyse, Quelles sont les intentions des deux puissances?

Steve W. Azeumo : Le critère sur lequel se base cette jeune population chinoise pour s’expatrier est souvent difficile à appréhender : mais l’une des options des gouvernements communistes, était de disposer des services de renseignements citoyens dans tous les pays du monde. Services qui faciliteraient par la suite l’implantation de la population dans ces zones. L’argument migratoire qui a toujours eu droit de citer à travers le monde par des exemples concrets, nous permet de palper cette réalité avec l’existence des China town dans certains pays d’Europe, d’Amérique et d’Afrique. En plus, la chine s’investit dans le domaine stratégique : des Aides accordés aux Etats ; dans le domaine des infrastructures : Les entreprises de construction chinoises sont de plus en plus en concurrence pour les contrats internationaux, le marché chinois des infrastructures étant saturé. De nombreuse entreprises chinoise aidés en cela par l’état stratège et opérant cherchent à gagner les marchés extérieurs.

De par sa position géographique, le Cameroun ayant le potentiel d’être le deuxième producteur d’hydro électrique en Afrique. Il a ces dernières années, cherché à mobiliser des financements et des compétences étrangères pour renforcer sa capacité hydroélectrique ; vu que la Banque mondiale avait commencé à se détourner des grands projets d’infrastructures, en raison notamment de leur impact environnemental et social (bien que ces dernières années ils ont connu un grand bond en avant); Plusieurs entreprises chinoises se sont ruées dans le pays et réalisent de grands projets dans celui-ci.

La présence américaine en Afrique et plus particulièrement au Cameroun est avant tout hégémonique. Et c’est aux Etats africains de savoir tirer leur épingle du jeu.

CADE : Le Cameroun n’a plus le choix que de rejoindre le train des pays émergents, à votre avis, Quels sont les axes stratégiques sur lesquels il doit se baser pour déclencher le moteur de l’émergence ?

Steve W. Azeumo : Nous avons tout à l’heure cité les secteurs prisés par les investisseurs internationaux, et ces axes demeurent les axes prioritaires pour un Cameroun émergent ! Mais seulement le pays ne pourra y parvenir que s’il met sur pied les fondations solides et ces fondations sont aussi les prémisses d’une intelligence territoriale réussie. Notamment l’optimisation de ses ressources ; tant humaines, naturelles qu’infrastructurelles.

En ce qui concerne les Ressources humaines, le Cameroun figure parmi les pays ayant un meilleur taux de scolarisation en Afrique centrale.

On sait également que la bombe économique de l’Asie est en partie grâce à son capital humain.

Dans les années 50 à 60 les économistes soutenaient que la création de richesse dépend des ressources naturelles et non de la population, tel que le pense également plusieurs citoyens Camerounais. On a pu observer avec le cas des pays d’Asie, Chine, Philippine, Thaïlande, Malaisie, que c’est le contraire qui les a fait progresser, et comme le précise le prix Nobel de l’économie Andrew Michael Spence, c’est en misant sur le capital humain que la grande majorité des pays d’Asie ont accru le développement des bourses. Il faudrait donc que le Cameroun optimise son système éducatif, l’oriente scientifiquement et non seulement professionnellement comme cela est mis en musique depuis avec le LMD. Et ce par le mécanisme de bourse qui avait été suspendu pour des raisons de crise, reprendre avec ces bourses, afin de permettre au grand nombre de ses fils d’aller chercher à l’externe l’expérience du savoir-faire des pays étranger.

Développer un système de savoir-faire technologique Et accepter que tous ces jeunes issus du système éducatif puissent commettre des erreurs après leur sortie d’école sur leur tout premier chantier acquis par voix de facilitation des appels d’offres lancés par l’état et ce sous la supervision des ainés.

En terme d’optimisation de ressources infrastructurelles, il est grand temps que le Cameroun cesse avec les projets surfacturés, ou à visés non stratégiques, tel le dernier cas connu qui consistait à importer du matériel préfabriqué rentrant dans la construction des stades. Ces décisions qu’importe les raisons évoquées pour s’y engouffrer sont non avenants. Aussi il serait recommandable que le citoyen lambda puisse avoir accès à la cartographie des ressources naturelles de tous les départements, dans les centres départementaux concernés éléments d’intelligence territoriale. Suivi d’un accompagnement par les possibilités et facilités pour tout opérateur local ou groupement d’intérêt économique local d’investir dans toute la chaine de valeur de chaque ressource. Notons que le Cameroun traine le pas à développer la chaine de valeur de ces ressources naturelles.

Interview réalisée par l’équipe du Centre Algérien de Diplomatie Économique .

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